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Des toilettes dans les combinaisons spatiales

24 Février 2018 , Rédigé par De Martino Alain

Les ingénieurs de la NASA travaillent actuellement sur un nouveau scaphandre qui inclut un système d'élimination des déchets à long terme - c'est à dire, une toilette intégrée. Une tellle combinaison n'a plus existé depuis l'époque d'Apollo, et ce nouveau système d'élimination des déchets aura probablement beaucoup en commun avec ceux utilisés dans les années 1970.

Ces nouveaux scaphandres, appelés OCSSS (Orion Crew Survival Systems Suits), seront portés par les astronautes à bord d'Orion. Ce véhicule n'étant pas assez grand pour supporter un voyage de neuf mois vers Mars, il pourra par contre transporter des hommes autour de la lune. 

Comme la navette spatiale avant lui, Orion sera équipé de toilettes, mais la NASA prépare l'éventualité d'un plan d'urgence, comme une dépressurisation de la cabine et que les astronautes soit obligés de rester dans leurs combinaisons. En fait, l'agence veut que les astronautes puissent survivre jusqu'à six jours dans leur scaphandre, ce qui signifie que les hommes ou les femmes doivent être capables de manger, uriner et déféquer sans les retirer. 

"C'est vraiment long", a confié Kirstyn Johnson, ingénieure à la NASA qui dirige la conception des systèmes internes des combinaisons spatiales lors du lancement et de l'atterrissage d'Orion. "C'est un petit espace et vivre en combinaison avec tous vos déchets pendant tout ce temps pourrait rapidement rendre irritable."

Il existe deux principaux types de combinaisons portées par les astronautes aujourd'hui: les combinaisons de vol pour le lancement et la rentrée et les combinaisons spatiales blanches (EMU) utilisées pour les activités extra-véhiculaires. Ces deux tenues sont équipées de ce qu'on appelle des vêtements à absorption maximale (MAG - Maximum Absorbency Garments ) qui sont en fait, des couches - parce que les astronautes n'ont aucune raison de rester dans leurs scaphandres plus de 10 heures (souvent beaucoup moins). Une fois terminé leur EVA, les astronautes utilisent les toilettes du bord. "Le grand avantage des couches est qu'elles sont simples à mettre et à enlever", a déclaré Johnson.

Lors des missions Apollo, pour la collecte d'urine, les membres d'équipage, tous masculins, portaient des cathéters qui se fixaient sur le pénis comme un préservatif, muni d'un tube pour recueillir le liquide, qui était aspiré dans un sac attaché à l'extérieur de la combinaison. Les astronautes avaient également un système externe de collecte d'urine qui était essentiellement le même que celui intégré dans la combinaison. Les astronautes d'Apollo déféquaient dans des sacs de collecte fécaux qui faisaient partie de leur combinaison de vol. Ce système était tellement sujet à échec que les membres de l'équipage ont été spécifiquement placés sous un régime riche en protéines afin de réduire la quantité de déchets qu'ils produisaient. Les astronautes étaient également responsables du cachetage et de l'élimination des sacs remplis. La plus longue mission d'Apollo fut de 12 jours...

Malgré le "Space poop challenge" lancé en 2016, tous les nouveaux modèles proposés nécessitaient des developpements supplémentaires trop long pour le programme Orion. "Donc, pour l'instant, nous revenons à ce que les astronautes utilisaient durant Apollo", a déclaré Johnson.

Les combinaisons incluront donc un sac fécal très semblable à ceux utilisés dans celles d'Apollo et les hommes utiliseront des cathéters à préservatif, qui restent l'approche la plus simple et la plus directe.

Mais un problème que les missions Apollo et les suivantes n'ont jamais résolu est la façon de fabriquer un système de collecte d'urine pour les femmes en scaphandre. Au moment où la NASA a accueilli sa première classe de femmes astronautes en 1978, le programme de la navette spatiale n'était plus qu'à quelques années de son premier lancement. Alors les femmes astronautes ont utilisé le système de couches et les toilettes à bord. (En 1981, les ingénieurs de la NASA ont déposé un brevet pour un dispositif de collecte d'urine pour femmes comprenant un insert vaginal pour empêcher l'urine de sortir, mais il n'a jamais été utilisé dans des combinaisons spatiales opérationnelles.)

Ensemble de collecte et de transfert d'urine de l'ère Apollo porté sur le vêtement de refroidissement.

Ensemble de collecte et de transfert d'urine de l'ère Apollo porté sur le vêtement de refroidissement.

Système de transfert d'urine ère Apollo (UTS)

Système de transfert d'urine ère Apollo (UTS)

En microgravité, les liquides ne coulent pas comme ils le font sur Terre : ils ont tendance à se coller ensemble et aux surfaces. Ainsi, par exemple, si quelqu'un pleure dans l'espace, les larmes formeront des bulles qui «colleront» aux yeux ou aux cils de la personne, plutôt que de s'envoler. Les toilettes de la station spatiale utilisent un système d'aspiration pour éloigner les fluides du corps. Chaque astronaute possède sa fixation personnelle.

Pour les femmes, c'est un peu plus compliqué à cause de la géométrie du corps et des poils pubiens. Ils posent un défi parce que le liquide a tendance à s'y glisser en microgravité. La préoccupation principale est la persistance du liquide dans cette zone qui provoque une dégradation de la peau. De plus, le système doit également être sécurisé en place (le cathéter à préservatif comporte son propre mécanisme de fixation) et les poils pubiens rendent également difficile l'utilisation d'un mécanisme de fixation collant. Il faut aussi tenir compte des périodes pendant lesquelles une femme a ses règles.

Bien qu'il soit possible que certains de ces problèmes puissent être évités comme se raser les poils pubiens et prendre des pilules anticonceptionnelles qui permettent de réduire la fréquence des règles, cela dépasse ce que la NASA peut raisonnablement demander à ses astronautes.

Il faut donc concevoir un système qui englobe la plupart de leurs poils, tout en les protégeant des contagions telles que les infections des voies urinaires sans que les matières fécales ne les gênent.

Le système d'élimination des urines chez les femmes n'est pas encore complètement développé, et certains aspects de ce système sont brevetés, si bien qu'on ne peut divulguer tous les détails. Mais la conception générale est similaire au système de tubes utilisé par les femmes pilotes de chasse pour se soulager pendant les longs vols, ou les membres de l'armée qui peuvent ne pas être en mesure d'arrêter une tâche pour se soulager. Le dispositif doit essentiellement avoir la taille d'une serviette hygiénique, pour englober toute une zone.

"Il est surprenant", a ajouté Johnson, "de découvrir le nombre de technologies qui existent sur Terre pour aider les gens à se soulager sans avoir à aller aux toilettes. Il existe beaucoup d'appareils d'urination portables que l'on peut transporter afin de ne pas avoir à s'accroupir ou s'asseoir sur une toilette sale." "Ce fut presque une révélation pour moi en tant que femme de voir tous ces produits. C'est un peu tabou de parler de ça, mais c'est intéressant, parce que ces trouvailles inspirent nos travaux sur les combinaisons spatiales."

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